Je suis venue au monde
dans la délicate amplitude
d'un territoire qui m’attendait
au cœur d'un petit patelin qui me hâtait
Accueillie par l'œil profond du lac
bercée par cette vaste lenteur,
mon identité se profile
parmi les villages paisibles
témoins d’une vie sans artifices
d’une simplicité humble
d’une douce chasse gardée
Abritée sous le ciel immense,
je prends ce qui me façonne
guidée par les saisons
précédées des récoltes à la moisson
Chez-moi, on s’appelle par prénom
avec le vent du lac
souffle la reconnaissance
du mot existence
Je grandis dans ce monde
parsemé de trail à emprunter
les chemins de terre
dans ma poche
en cailloux à ressemer
Les soirs d'été sous les lucioles illuminées
ou la peau gorgée de soleil
à chasser les ménés
la nature s’est mise à ma portée
Ensemble mains dans la terre,
une enfance chauffée au bois
et ravitaillée aux petits fruits
en équilibre, les pieds enracinés
Les forêts des possibles
m’entourent à perpétuité
peuplées de nos histoires
et de gomme d’épinette à chiquer
J’ai connu la joie des feux,
la gorge déployée de l’été
respirer le bonheur simple
avec au bout de ma ligne
l’audace de l’aventure
que je lance et puise
pour capturer le doré
J’ai vécu
l’hiver bleue
la pêche blanche
les joues rouges
les temps roses
Je suis propulsée
dans l'ère florissante de l’adolescence
à l'horizon, on carbure à l’essence
en attendant, égrener les heures
aux bras de précieuses amitiés
Le temps du détachement palpite
entre nos doigts
comme un papillon lune
qui cherche la lumière
J’ai éprouvé le vertige des possibilités
qui se tassent
l’évidence du départ
qui se noue dans mon ventre
on me dit parfois
que la vie est ailleurs
le soleil couchant dessine
autrement ses couleurs
J’ai légué au lac mes souvenirs
tiré sur mes racines
jusqu’à les voir émerger
du sol vibrant
déracinée tel un arbre
déchaussé à grand coup de vent
j’ai quitté la campagne
ses champs dorés et ses collines familières
pour laisser place à l'écho
avide de paysages nouveaux
Les saisons se succèdent
et s'enchaînent étroitement
mon territoire m'appelle
à grands cris de ralliement
ma fierté rurale tambourine
vivante et profonde
fruit de mes terres fécondes
Je reviens à ma communauté
cultiver ce qui recommence
au cœur des arbres matures
l’avenir s’infiltre dans mes poumons
à l’intérieur, le paysage s’ancre
je retrouve les cèdres dansants
de ma forêt enchantée
Je déplie mes rêves
là où tout est possible
Mathilde Mantha
Marion Hallée
30 octobre 2024
30 octobre 2024